Alcool
Adossé au vieux chêne dominant le paysage de la campagne lausannoise, Adrien tenait dans sa main tremblante une bouteille presque vide. Autrefois solide comme cet arbre, il se sentait aujourd'hui aussi fragile que les feuilles tourbillonnant au vent d'automne.
Selon le programme et les préceptes des Alcooliques Anonymes, les signes étaient là, indéniables : une compulsion irrésistible, une tolérance qui grandissait chaque jour, des périodes noires où la mémoire flanchait, et ce déni, cette conviction qu'il pouvait arrêter quand il le souhaiterait. Chaque gorgée semblait apporter un soulagement éphémère, une évasion des réalités qui pesaient lourdement sur ses épaules.
Dans la petite ville où il avait grandi, Adrien était autrefois reconnu pour son charisme, son esprit vif et son sourire contagieux. Mais ces traits s'étaient estompés, remplacés par une irritabilité constante, une distance émotionnelle et une tristesse profonde qui obscurcissait ses yeux autrefois brillants.
Les voix des Alcooliques Anonymes lui parvenaient en échos. Elles parlaient de l'admission d'impuissance, de la recherche d'une puissance supérieure, du partage sincère de ses erreurs. Mais Adrien luttait contre ces vérités, préférant le chant séducteur de la bouteille qui promettait l'oubli, même si cet oubli était empoisonné de regrets.
Les souvenirs d'amitiés brisées, d'opportunités gaspillées, de moments perdus dans un brouillard alcoolisé pesaient sur lui comme un manteau de plomb. La lumière des douze étapes semblait bien lointaine, mais au fond, une étincelle persistait, la flamme vacillante de l'espoir.
Car dans ces vastes plaines vaudoises, terre de contrastes et de renaissances, le message des Alcooliques Anonymes résonnait toujours. Un message d'amour, de solidarité et de rétablissement. Si seulement Adrien pouvait tendre la main, admettre sa vulnérabilité, et entamer le voyage vers la sobriété, il pourrait retrouver non seulement lui-même, mais aussi la chaleur de ceux qui l'avaient aimé et attendaient son retour.